Les Chemins de la philosophie Émission diffusée le 15.03.2017 Par Adèle Van Reeth. Sénèque invite Lucilius à mépriser les richesses... mais il est lui-même l'homme le plus riche de son temps. Est-il en contradiction avec ses propres principes de sagesse ? Bien sûr que non ! Découvrez comment il parvient à résoudre ce paradoxe Le texte du jour : « Avec le tout petit nombre d’esclaves qu’une seule voiture pourrait contenir, sans autres effets que ceux que nous avions sur nous, voici deux jours que nous menons, mon ami Maximus et moi, l’existence la plus heureuse. Un matelas est à terre, et je suis sur le matelas. Deux manteaux font office l’un de drap, l’autre de couverture. Quant au déjeuner, impossible d’en retrancher rien ; les apprêts ont pris moins d’une heure : ma provision de figues de conserve m’accompagne partout ; mes tablettes à écrire toujours. Les figues me tiennent lieu de fricot, quand j’ai du pain, et de pain, quand j’en manque. Elles me font de chaque jour un jour de nouvel an que je tâche de me rendre favorable et propice par la grâce des bonnes pensées et de tout ce qui agrandit l’âme. Or, jamais l’âme n’est plus grande qu’à l’heure où, dégagée de ce qui n’est pas elle, elle a conquis la paix en bannissant la crainte ; la richesse, en ne convoitant rien. La voiture où je suis juché est un véhicule campagnard. Les mules sont encore vivantes, puisqu’elles continuent à marcher. Le muletier va pieds nus et ce n’est pas à cause de la chaleur. Comme j’ai peine à accepter que ce véhicule passe pour être vraiment le mien. Elle dure donc toujours en moi, cette perversion d’avoir honte d’agir droitement ! Chaque fois qu’un équipage un peu élégant vient à notre rencontre, j’ai beau m’en défendre, je rougis, preuve que les principes que j’approuve, que je vante, n’ont pas encore chez moi une base constante, inébranlable. Qui rougit d’un véhicule vulgaire tirera vanité d’une voiture de prix. J’ai fait de piètres progrès. Je n’ose pas encore être simple à la face du monde ! Je continue à m’inquiéter de l’opinion des passants. » Sénèque, Lettres à Lucilius, Lettre 87, trad. François Préchac revue par Paul Veyne, Robert Laffont, 1993, p.872-87 Lecture : - Sénèque, Lettres à Lucilius, Lettre 110, trad. François Préchac revue par Paul Veyne, Robert Laffont, 1993, p.1029-1030 Extrait : - L’Avare de Molière (Acte I, scène 4). Source « Société des comédiens français » France Culture 18/05/1981 Références musicales : - Les Troubadours, Avec un peu d’argent - Joe Dassin, L’équipe à Jojo - Gioacchino Rossini, Péchés de vieillesse - Saint Saëns, Tarantelle en la min - Barrett Strong, Money (That’s what I want) Intervenant : Pierre Pellegrin : directeur de recherche émérite au CNRS Bibliographie : Sénèque, La Vie Heureuse, Flammarion/GF, 2005. Aristote, Œuvres complètes, Flammarion, 2014.
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